Un film lumineux et grave d’Anne Fontaine.
Je ne peux faire une critique traditionnelle du dernier film d’Anne Fontaine, tant il met les nerfs en pelote et suscite interrogations et émotions contradictoires. Alors ce sera des bribes et si vous avez les entrailles bien accrochées, allez-y, le film est superbe.
Le synopsis. Le film s’inspire des carnets de Madeline Pauliac (appelée Mathilde dans le film et jouée par Lou de Laâge) qui a travaillé pour la Croix-Rouge pendant et après la Seconde Guerre mondiale. En décembre 1945, en Pologne, une nonne la prie d’aider ses consoeurs à accoucher dans le plus grand secret. Des soldats russes les ont violées lors de la libération de la Pologne quelques mois auparavant.
Des paysages à couper le souffler, tapissés de neige, le blanc comme seul horizon, une futaie d’arbres en guise de ciel. Traverser la forêt est un rite initiatique qui permet de passer de la ville à la clôture du couvent, où tout contact avec l’extérieur est vécu comme une déchirure physique et spirituelle.
Une partition ponctuée par les scènes de vie quotidienne des soeurs : chants dans la chapelle, préparation du repas dans un chaudron, broderie accompagnée d’un piano… Moments de respiration ou prélude du dérèglement quand le pas des soldats au dehors se fait entendre. Tout est juste dans ces plans où la lumière joue avec les coiffes, à la manière des tableaux flamands.
Des corps recouverts de chapes de tissus, invisible aux yeux des autres mais aussi aux leurs. À la "vie forcée en elles", pour reprendre les mots d’une soeur, il faut ajouter l’intrusion d’une jeune femme française, Mathilde (Lou de Laâge), venue palper leur ventre et les aider à accoucher le moment venu. Malgré son verbe haut et fort et son athéisme, elle gagne leur confiance et les guide sur le chemin de la maternité.
Une confrontation des valeurs. Comment croire en Dieu après un tel événement ? Les coutumes monacales sont-elles encore un réconfort ? Les tableaux de groupe laissent place à des confessions ou conversations en tête à tête. Le compagnonnage de Mathilde, jeune femme libérée, et de Maria (Agata Buzek), lieutenant de la Mère supérieure avant qu’elle ne s’émancipe, prouve la force des liens d’amitié au-delà des différences de croyance et d’éducation.
Anne Fontaine et son équipe (Caroline Champetier à la photographie, dialogues coécrits avec Pascal Bonitzer, distribution franco-polonaise) tirent d’une histoire sordide, et longtemps niée par la société, un film lumineux et grave qui happe le spectateur tout au long des deux heures et bien après…
Programmé au cinéma L’Argentine, 76 rue de Rennes - 75006
© Mandarin Cinéma - Aeroplan Film - Mars Film / Anna Wloch
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