Depuis quelques mois, Paris ne comptait plus de librairies allemandes. Ce n’est plus le cas désormais...
Il y a des lieux qui vous donnent envie de voyager, ou plutôt d’explorer, de partir à l’aventure, de découvrir... en restant sur place ! Vous allez me dire que toutes les librairies sont un peu comme cela. Ce qui est vrai, surtout ici au Quartier Latin. Mais il en est certaines qui le sont un peu plus, qui vous emmènent un peu plus loin. Et ce n’est pas parce qu’elle s’étend juste de l’autre côté du Rhin que l’Allemagne n’est pas lointaine, dépaysante, envoûtante.
À deux pas de la place Maubert, depuis quelques mois, c’est toute la littérature allemande et germanophone qui s’est installée dans une charmante petite librairie. Les résonances de l’histoire y sont assurément pour quelque chose ! Vous allez voir.
En 1241, en effet, Albrecht von Bollstädt - Bollstädt est en Bavière - après avoir renoncé à l’évêché de Ratisbonne - toujours en Bavière - vient enseigner à Paris. Le Quartier Latin a un peu moins de 150 ans d’existence, la Sorbonne n’existe pas encore, mais la réputation du quartier n’est plus à faire. Albrecht s’y fera un nom. Il deviendra un des plus grands professeurs du XIIIe siècle sous le nom d’Albert le grand ou Albertus Magnus, en latin. Mais ici, dans le quartier, quand Thomas d’Aquin n’était encore qu’un jeune moine dominicain fraîchement arrivé d’Italie pour suivre ses cours, on devait plutôt le nommer Maître Albert. C’est, en tout cas, par contraction ou paresse linguistique, une des étymologies probables de la place Maubert. La rue Maître Albert, à deux pas de là, porte son nom actuel, en son honneur.
Sept cent soixante-quatorze ans plus tard...
Il y a donc une certaine logique à ce qu’Iris Mönch-Hahn, Bavaroise de Ratisbonne, diplômée de langue romane de l’Université de cette ville - parlerait-elle aussi le latin ? - vienne installer sa librairie à deux pas des rues où enseignait son illustre prédécesseur et compatriote.
L’enseigne est très explicite, pragmatique, claire, nette, précise : librairie allemande - Deutsche Buchhandlung ; vous ne pouvez pas la manquer, c’est écrit rouge sur noir. Une façade noire, l’une des couleurs du drapeau allemand, encadre une vitrine souvent très colorée selon les inspirations de la libraire. Il y a quelques semaines, pour la Saint-Valentin, un cœur de pétales de roses entourait un livre blanc dont le titre noir était un délicat Liebe. C’était doux et charmant, romantique comme une visite au château de Neuschwanstein. Cette semaine, la vitrine est vert-pomme. Une couleur qui donne envie de lire, de croquer du bouquin germain à pleine dent.
Voilà, vous êtes dedans. Dedans la librairie. Et les couleurs continuent. Noir, rouge, jaune. Jaune comme les petits livres de poche des éditions Reclam, une institution outre-Rhin. Ils éclairent comme un phare le fond de la librairie. Vous y retrouverez, à petits prix (moins de deux euros), tous les classiques de la littérature germanophone et étrangère, mais traduite dans la langue de Goethe. Dans cette collection toute jaune, vous pourrez donc lire le Rot und Schwarz de Stendhal...
Rouge et noir, ce sont aussi les couleurs des bibliothèques modulables, pratiques et colorés d’USM, fabricant de meubles suisse-allemand. Elles contrastent et donnent une jolie touche de modernité au lieu - les murs ont les pierres de taille d’un immeuble parisien vieux de quelques siècles. Les casiers sont profonds. Il faut se pencher pour y fouiller.
Aller chercher Der Steppenwolf et son cousin français, Le Loup des steppes au fond de leur tanière, à côté des autres romans de Hermann Hesse, par exemple. Car, même si vous ne parlez pas la langue de Patrick Süskind - encore un Bavarois amoureux de Paris - vous trouverez à lire : les romans en allemand et leurs traductions françaises ne sont pas séparées ; vous êtes même autorisé à acheter les deux.
Vous trouverez bien d’autres choses encore lors de votre prochaine visite. Beaucoup de livres pour les enfants et un savoir-faire en matière de reliure devenu rare en France. Mais surtout, vous y trouverez des livres au même prix qu’en Allemagne. Là-bas comme ici, le prix du livre est unique. Il est inscrit sur la quatrième de couverture [1]. Ainsi, acheter vos livres à la librairie allemande vous reviendra moins cher que sur Amazon où vous auriez à payer au moins 5 € de frais de port !
Ce qui n’a pas de prix, en revanche [2], ce sont les conseils et le sourire de la libraire qui sauront vous guider dans votre découverte ou vos explorations de la littérature outre-rhénane. Et si ses compétences ne suffisent pas, Mademoiselle Amélie mettra son flair littéraire sur la piste de vos envies.
Seavas !
[1] Parfois, il y a deux prix ; mais ne vous inquiétez pas, le plus cher est pour les Autrichiens !
[2] Et que vous ne trouverez pas non plus chez Amazon !
Ce 30 novembre 2021, à 17h, Joséphine Baker est entrée au Panthéon pour son engagement dans la Résistance et sa lutte contre le racisme.
Du 1 au 8 juin, plus de 150 événements littéraires seront organisés sur ce thème en mairie et dans tous les lieux culturels du 5e.