Dans un contexte social morose et érodé, Michael Moore vient rappeler qu’il y a encore des différences entre les sociétés européennes et les États-Unis.
Michael Moore est américain, certes, mais il est surtout du Michigan, de ces états des grands lacs qui furent les plus industrialisés des États-Unis et où les droits sociaux sont les plus étendus... et qui maintenant constituent la fameuse Rust Belt, la zone de la rouille. Détroit, l’ex MotorTown, siège des Majors companies de l’automobile en est l’exemple le plus criant. La ville a rétréci. En quelques décennies, plus d’un million d’habitants sont partis. Ceux qui restent n’ont pas eu d’autres choix, pour survivre, que de cultiver les terres délaissées. La ville est aujourd’hui un immense jardin urbain. On dit, là-bas, que ce qui arrive à Détroit arrive au reste des États-Unis, 20 ans plus tard...
Et, de fait, il y a 100 millions de pauvres, de part et d’autre du seuil de pauvreté, soit un tiers de la population. Le phénomène de travailleurs pauvres se développe. Les gens vivent à crédit tant qu’ils peuvent. La dette étudiante, par exemple, à dépasser les mille milliard de dollars en 2012 : les jeunes américains entrent dans la vie active avec, en moyenne, 30.000 dollars de dettes. Certains ont beaucoup plus à rembourser : plus de 100.000 dollars souvent. Conséquence : l’exil pour cause de dette devient une réalité américaine.
Dans ce contexte, les mesures sociales prises par les nations européennes (gratuité de la scolarité, vacances payées, prisons à ciel ouvert, etc.) ont de quoi faire rêver Michael Moore... Il s’en vient donc conquérir ses mesures pour les apporter aux États-Unis.
Derrière le caractère bonhomme de Michael Moore et son humour tonitruant et moqueur ont découvre, en miroir, une réalité américaine assez tragique faite de violence sociale massive. L’exemple de l’incarcération généralisée des Noirs américains, qui représentent plus du tiers des incarcérés alors qu’ils ne représentent que 10% de la population totale, rappelle à quel point les États-Unis restent profondément marqués par la ségrégation et le racisme. Il y a aujourd’hui plus de jeunes Noirs en prison que dans les universités et avec l’emprisonnement, les Noirs américains perdent souvent leur droit de vote, leurs droits sociaux, etc.
La pauvreté des minorités, outre les problèmes de violences, a aussi des conséquences sanitaires importantes et l’obésité est une des plus criantes. Ce fut d’ailleurs le principal cheval de bataille de Michelle Obama ces 8 dernières années. Près de 70% des Américains sont obèses ou en surpoids et dans certains quartiers pauvres de New-York, ces taux sont bien plus important. La zone de la « diabésité », autrement dit là où les taux de diabète et d’obésité sont les plus élevés recouvre tout le Vieux Sud, de la Louisiane à la Virginie : là où les populations noires-américaines sont aussi les plus représentées, voire majoritaires...
La réalité des sociétés européennes semble, dans l’ensemble, beaucoup plus encourageante, même si Michael Moore précise bien que ces nations ont des problèmes, mais qu’il est là pour cueillir « les fleurs ». L’Europe sociale n’existant pas et les mesures prise à l’échelle de l’Union poussant plutôt à un nivellement vers le bas et à une augmentation des inégalités (travailleurs détachés, démantèlement du droit du travail, privatisation de l’éducation, etc.), on se souvient que les acquis sociaux sont l’héritage contesté et attaqué de dizaines d’années de luttes sociales.
Mais comme le dit Michael Moore, devant les restes du Mur de Berlin, il suffit parfois d’un rien pour que l’histoire change de direction aux États-Unis comme en Europe. Le parcours récent de Bernie Sanders - venu du Vermont - a rappelé au monde qu’il existe encore une Amérique sociale dont Michael Moore s’acharne à être le porte-parole cinématographique. Le combat des Islandais - et des Islandaises - contre la haute finance et les fameux banksters - et pour une grande égalité entre les hommes et les femmes - montre également que les sociétés peuvent se transformer en quelques mois. Son humour peut être un détonateur plus puissant pour déclencher un mouvement que beaucoup d’articles ou de vidéos documentant les inégalités américaines. Beaucoup d’espoir dans ce message, donc, et dans ce documentaire mais une pointe d’amertume aussi quand on vit à l’Est de l’Atlantique et que le réalisme vous prend : on se demande en sortant combien de temps ces fleurs qu’il est venus cueillir vont mettre de temps à faner.
Where to Invide Next est diffusé au Studio Galande, au Saint-André des arts et au cinéma La Clef.
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